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mercredi 9 mars 2011

Stationnement en ville : quand l’arnaque manifeste côtoie l’hypocrisie politique

Ca y est, c’est fait. D’ici quelques mois, le défaut de paiement aux horodateurs sera facturé 17 euros contre 11 actuellement. Une augmentation de 55% justifiée uniquement par le fait que l’amende n’aurait pas subi de réévaluation tarifaire depuis plus de vingt ans. La belle affaire ! Il est vrai que depuis deux décennies les salaires ont explosé et que le prix d’achat des voitures ou des carburants n’a pas bougé d’un cent. Non mais de qui se moque-t-on ? Outre le fait que le réajustement soit financièrement spectaculaire et que la justification soit tout de même un peu cavalière, c’est surtout le manque de franchise politique qui peut paraître effrayant.
Rappelons tout de même que les recettes du fameux papillon ne devaient à l’origine que couvrir les frais de fonctionnement de la police municipale en charge de la gestion des effractions. Il eut été plus honnête d’annoncer aux futurs contrevenants que l’augmentation allait d’abord servir à remplir les caisses des collectivités, souvent endettées et mises à mal par la perte des revenus de la taxe professionnelle. Les plus courageux (c’est le cas notamment des écolos) ont tout de même argué du fait que la voiture en ville est un mal qu’il faut combattre. Si on ne peut que rallier ce constat, il paraît évident par contre qu’il s’agit là trop souvent d’un argument hypocrite ne tenant pas compte des réalités de la vie quotidienne. En effet, pour citer l’exemple lillois (reproductible sans doute à l’échelle d’autres grandes métropoles, Paris en tête), il faut savoir qu’il est aujourd’hui pratiquement impossible de s’installer en cœur de ville (là où généralement sont installées les bureaux d’entreprises), sauf à disposer de moyens financiers très conséquents, à accepter de vivre dans une souricière ou à élire domicile dans certaines zones où laisser sortir ses enfants pourrait être considéré comme une tentative d’homicide.

Un minimum de qualité de vie impose désormais fréquemment de sortir des centres-villes. Et donc de recourir à la voiture quand les transports en commun ne sont pas suffisamment développés. D’ailleurs, bien souvent, la présence d’une station de métro ou d’une ligne de bus suffit à faire s’envoler les prix du marché à l’achat mais aussi et surtout à la location. La loi de l’offre et de la demande en somme. Soit mais dans ce cas, ne nous reprochez pas de préférer prendre la voiture plutôt que de payer un loyer exorbitant dans un immeuble à proximité de son travail.

Et c’est ainsi que des millions de français se voient contraints, pour se rendre à leur travail, de payer un péage aux municipalités. Car ne nous mentons pas, il est dans 90% préférable (sauf à stationner dans l’hyper-centre ou en contrebas d’une caserne policière) de payer quelques amendes ponctuelles plutôt que de louer un garage ou se délester d’une pièce toutes les heures ou heures et demies dans l’horodateur. Et ce tant d’un point de vue financier que du confort.

Ce rançonnement est d’autant plus agaçant, à Lille, que l’habitant se doit aussi de payer son stationnement à la commune grâce à un système de carte. 15 euros par mois pour avoir le droit d’occuper l’espace public. Pas assez riche pour disposer d’un garage ? Et bien il ne reste plus que passer à la caisse … Plus cynique encore, il est impossible pour un salarié de disposer d’une telle carte. Pas d’autre solution pour lui donc de récolter des prunes au fil des semaines ou de se garer dans des parkings relais aux portes des villes (parfois payants d’ailleurs) pour ensuite emprunter les transports en commun. La double peine en fait : le prix du véhicule et des frais annexes plus celui des transports en commun sans compter l’allongement de la durée des trajets. De toute façon quelle idée de posséder un véhicule en ville ? Il existe tant d’alternatives : le vélo, le train, le bus …. Nul ne pourra nier pas que ce sont là des moyens de transport dont le développement est devenu nécessaire d’un point de vue environnemental mais il est urgent, pour y parvenir de cesser de culpabiliser le citoyen et de réfléchir à nos modes de vie sur des points essentiels. D’abord, l’usage de la voiture est aujourd’hui dans bien des cas indispensable : pourquoi donc ne pas accélérer le développement des voitures propres ? Ah oui, les lobbys pétroliers préfèrent vendre à prix d’or leurs réserves tout en travaillant déjà au développement des voitures de demain. Ensuite, l’urbanisation toujours croissante et anarchique qui contraint les habitants à se déplacer chaque jour davantage. Ne peut-on pas réfléchir à une vraie mixité de fonction dans les quartiers, alliant habitations à loyers abordables, équipements publics (écoles, services,…) de proximité, commerces et entreprises à taille humaine ? Désolé mais les bailleurs, les partisans du désengagement des pouvoirs publics, les hypermarchés de périphérie et les zones d’activité économique font désormais la loi.

Finalement l’arnaque n’est pas tant dans l’amende dont il faut s’acquitter. Elle ne l’est pas plus que dans le prix de l’essence qui ne cesse de croître ou du malus écologique qui pèse sur l’achat de voitures émettrices de gaz à effet de serre. Elle est dans la faiblesse des solutions proposées aux automobilistes et dans l’hypocrisie des politiques. Un peu comme quand ils installent des radars à chaque coin de rue tout en autorisant les constructeurs automobiles à nous proposer des véhicules toujours plus puissants.
Donc messieurs dames qui devez chaque jour prendre votre véhicule pour vous rendre au travail, cessez de pester contre l’augmentation prévisible des amendes ou adoptez un abonnement mensuel dans un des nombreux parkings privés dont l’essor ne fait sans doute que commencer. Comme quoi, finalement, il n’y a pas que des perdants.   

Rédigé par Fred H.

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