Commençons d’abord par les « petits candidats ». Sans homme (ou femme) emblématique à leur tête, comme le furent notre Arlette nationale ou le trublion facteur, l’extrême-gauche a retrouvé des scores en rapport avec le réalisme de leur proposition. Et oui, n’en déplaise aux trotskistes et autres radicaux, la France a tout de même fortement évolué depuis Germinal. Ecartons également aussi les Villepin, Dupont-Aignan, Boutin et autres Morin dont on a parfois l’impression que la candidature relève plus de l’égo individualiste que d’un réel projet partagé pour le pays. Il nous reste donc les 6 « vrais » candidats qui peuvent espérer faire la Une ou tout du moins faire valoir une certaine représentativité dans l’opinion. Prenons-les uns à uns.
Eva Joly, tout d’abord ! Parlons-en de la candidate écolo qui avait tout loisir de surfer sur les résultats plus que prometteurs engrangés lors des dernières élections. Elle nage dans la gadoue. En cause : un positionnement vis-à-vis du PS plus qu’ambigu puisqu’un accord de gouvernement a été passé et qu’avant même l’élection, des centrales (pour ne citer que cet exemple) ont été échangées contre des postes d’élus. On peut d’ailleurs se poser la question du choix de la candidate tant elle semble cumuler les handicaps pour le français moyen : elle est une femme, austère dans sa façon d’être, n’est pas une professionnelle de la politique et son accent ne l’aide pas davantage. Pourquoi ne pas avoir choisi Nicolas Hulot ? Certes il est loin d’être un puriste mais son aura médiatique aurait permis aux Verts d’être présents partout et aurait surement ouvert une voie royale aux écolos lors des législatives sans être obligé de vendre son âme (au moins pas tout de suite). Je n’évoquerai même pas le cas de cécile Duflot qui, elle, a tout pour plaire mais qui ne juge pas encore, dans son plan de carrière, (triste approche pour une écolo non ?) l’heure venue pour occuper la place de leader.
Evoquons ensuite Marine dont l’habileté politique ne peut que cacher partiellement un programme économique totalement surréaliste et une perception des rapports humains rappelant les heures plus sombres de l’Histoire. Ne prenons qu’une seule de ses mesures : le retour au franc ! A peine celui-ci serait-il remis en place que la France connaîtrait une dévaluation sans précédent de sa monnaie, ce qui évidemment renchérirait de façon drastique le coût des importations. Vous qui rêviez de pouvoir acheter un écran plat, un ordinateur ou un smartphone, attendez-vous à voir son prix exploser. De toute façon, en imaginant qu’elle soit présente au second tour, nul ne doute qu’elle soit balayée comme son père jadis.
Au tour de Mélenchon maintenant ! Si sa vision et sa description du monde dans lequel nous vivons ne peut que nous interpeler, son programme est-il pour autant réaliste ? Aujourd’hui, nul n’a fait mieux que Karl Marx pour démonter les rouages du capitalisme économique. La mise en œuvre de ses idées est-elle pour autant possible ? L’Histoire nous a clairement démontré le contraire et seuls quelques illuminés peuvent croire que ce serait Staline ou même Lénine qui auraient dévoyé un concept. Non, la fameuse « dictature du prolétariat » suite à un Grand Soir ne peut déroger au principe de réalité. Si les constats de Jean-Luc Mélenchon sont justes, les solutions proposées ne peuvent en l’état constituer une réponse totalement satisfaisante. Comment imaginer un instant, pouvoir procéder à une augmentation du SMIC aussi drastique ou décider qu’au-dessus d’un certain niveau de revenus, l’Etat prendrait tout. Ca ne vous rappelle pas, d’ailleurs, un certain Georges Marchais ? Mais son objectif n’est-il pas plutôt de faire vaciller Hollande sur ses positions qui ne sont pas plus à gauche que ne l’étaient celles d’un Jacques Chirac. Sur ce point, il pourrait réussir son pari s’il parvient à croître encore dans les sondages.
Le cas de François Bayrou est, quant à lui, plus complexe. Voici un politicien de carrière qui a davantage été de droite que de gauche dans son parcours en train de nous dire qu’il faut sans plus attendre une vraie union nationale. Franchement, je souscris totalement à la démarche. Certains de ses constats, comme sur la celui de la dette qu’il fut le premier à faire, ne peuvent faire l’objet d’aucune contradiction. Sa volonté d’encourager nos concitoyens à consommer français est également porteuse de sens. Pour peu bien sûr, comme l’a précisé Nicolas Sarkozy, qu’il s’agisse de produits fabriqués en France. Autre de ses grands projets : réformer la fiscalité ! Bien sûr qu’il importe de le faire tant les aberrations sont nombreuses. Mais sitôt déclamées ces belles idées, il reste néanmoins deux problèmes. Le premier : quelles mesures concrètes mettre en œuvre ? Pour ma part, il ne me semble pas encore qu’elles aient été déclinées très concrètement. Ou, pour celles qui ont été annoncées, qu’elles soient à la hauteur des ambitions. Quant au second problème, il est encore plus fragrant : devenir président ne signifie pas gouverner comme l’ont rappelé les périodes de cohabitation. Avec quelle majorité tiendra-t-il ses engagements ? Sans élu, pour l’heure, à la Chambre des Députés, il risque de devoir s’appuyer sur des élus PS ou UMP qui retourneront leur veste et, à la première « erreur », le lâcheront sans complexe. A moins qu’une pléiade de nouveaux députés estampillés MODEM ne soient élus. Qui seront-ils, d’où viendront-ils ? Nul ne peut encore répondre à cette question.
Il nous reste désormais les deux favoris : le Président sortant et le héraut socialiste. Le premier n’a plus réellement de crédibilité et compte davantage, au premier tour, sur des partisans de longue date effrayés par un drapeau rouge hypothétique que sur des français convaincus par son programme. Le bouclier fiscal, son côté bling bling, ses promesses non tenues (Gandrange en étant le symbole) et ses échecs économiques font de lui une proie facile. Quant à son programme qui fait de l’austérité une ligne de conduite infranchissable, il y a peu de chance qu’il lui apporte une certaine sympathie dans l’opinion. Malgré sa maîtrise de la communication politique, le ralliement d’Angela Merkel et des mesures qui méritaient d’être prises (taxation des revenus financiers notamment), il risque de ne pas être en mesure de rattraper son retard. Comme le disait si bien Hollande à Juppé, il y a peu, « il est trop tard ». 5 années ont passé et Nicolas Sarkozy n’a pas convaincu. On se demande d’ailleurs pourquoi la droite ne s’attaque pas davantage au PS sur la non remise en cause par la gauche de ses réalisations. Hollande qui a tant critiqué le service minimum, la réforme des retraites, l’autonomie des universités (et j’en passe) ne les remet en aucun cas en question sauf à la marge (en ce qui concerne notamment la retraite à 60 ans). Est-ce à dire que le PS pense qu’il s’agit là de bonnes mesures ? Le programme du PS d’ailleurs ne fait pas l’unanimité parmi les français. Et force est de constater que c’est davantage l’antisarkosisme qui anime les électeurs d’Hollande que la force de son projet politique qui se cantonne à quelques mesurettes dont l’efficacité est encore à prouver.
Ce qu’il manque, en somme, dans tous ces programmes, c’est un véritable projet juste et visionnaire. Pas un mot ou si peu pour les PPP, ces Partenariats Privé Public qui permettent aux pouvoirs publics de confier à des entreprises la réalisation de grands projets (programmes immobiliers, stades,…) tout en en doublant le prix final. Pas un mot sur la nécessité de développer l’agriculture biologique, créatrice d’emplois locaux et source de moindres pollutions. Pas un mot non plus sur le sentiment d’abandon des smicards qui n’ont pas davantage de pouvoir d’achat que des allocataires des minima sociaux subventionnés par l’Etat et travaillant allègrement au noir. Pas un mot sur les défiscalisations dont profitent les grandes fortunes qui bénéficient des conseils avisés de gestionnaires de patrimoine et deviennent ainsi plus riches d’année en année. Pas un mot enfin sur les vrais problèmes qui minent l’école (perte d’autorité des professeurs devant leurs élèves, jeunes professeurs envoyés en zone sensible sans expérience, établissements à deux vitesses,…). Et les exemples de ce type pullulent.
Chaque programme recèle ses bonnes idées. Encore faut-il les prendre où elles sont sans démagogie et veiller à ce que chaque français puisse bénéficier de ses effets. Honnêtement, toute politique se doit d’être différenciée. Est-il choquant, par exemple, qu’un chirurgien renommé gagne 15 000 ou même 20 000 euros par mois ? Pour ma part, non. Est-il choquant qu’un héritier en gagne autant en exploitant simplement son patrimoine ? Sans doute davantage. Est-il choquant qu’un ouvrier fasse deux heures de trajet aller pour travailler à l’usine moyennant le SMIC ? Evidemment. Mais il est encore plus choquant qu’un jeune, sans envie de travailler, en gagne autant en restant chez lui ? Est-il choquant que chaque français doive apporter une petite contribution pour bénéficier du meilleur système de santé au monde ? Non selon moi, sauf si dans le même temps, on offre des ponts d’or aux laboratoires, on permet aux cliniques privées de confisquer les activités rentables en laissant aux hôpitaux publics les soins onéreux ou qu’on accepte que les dépassements d’honoraire deviennent la règle.
La radiation des tricheurs de l’ANPE est-elle incompatible avec une taxation plus forte des gros revenus ? La lutte acharnée contre les licenciements dans les entreprises « rentables » est-elle incompatible avec une hausse de la TVA ? La fin des 35H est-elle incompatible avec une priorité affichée pour l’économie verte ? A priori oui dans l’esprit de nos politiques. Quel dommage ! Et Bonne chance dans le choix de votre candidat.
Fred H.
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