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lundi 23 avril 2012

Front de gauche : un échec à méditer

Certains diront que 11 à 12% des voix constituent un formidable bond en avant pour une formation qui, il y a encore 3 ans, n’existait pas. Les mêmes feront aussi remarquer à juste titre, que Marie-George Buffet avait réuni à peine 2 %  des électeurs sur son nom en 2007. Alors certes Jean-Luc Mélenchon a réussi ce pari : un score à deux chiffres quand, au moment de son investiture, seuls 4% des électeurs se voyaient lui accorder leur voix. Mais ne nous voilons pas la face, la tristesse dans le regard des militants ne souffrait aucune contestation : le 4ème homme de la campagne aura échoué sur son premier objectif et ce malgré une campagne agressive et très largement médiatisée, ne lui en déplaise : dépasser le Front national. Des enseignements sont à tirer … et vite


Un matelas électoral inutile ?

11% c’est bien, 18% c’est mieux et de l’affrontement des deux Fronts, c’est bien le bleu marine qui est sorti largement vainqueur. Le front de gauche n’aura pas su s’attirer les voix de l’électorat populaire. Un ouvrier sur 3 a voté pour l’héritière de la dynastie le Pen. Un sur 8 pour Jean-Luc Mélenchon, deux fois moins que pour Nicolas Sarkozy. Un comble pour celui qui se dit représentant des petites gens. Le constat peut paraître incroyable. Mais malgré les promesses que certains diront populistes (SMIC à 1700 euros notamment), les ouvriers ne sont pas revenus dans le bercail communiste. Le rouge semble éteint dans leurs consciences. Trop de désillusions passées ? Sans doute. Ils ne croient plus au grand soir et les compromissions du PC avec le PS y sont aussi pour beaucoup. Que reste-t-il alors du vote Mélenchon ? Un vote bobo, à l’image de celui qui s’était porté massivement sur les Verts il y a peu quand Cohn Bendit menait la bataille. Avec le résultat que l’on voit aujourd’hui : 2% pour Eva Joly… cet électorat est volatile.

Quels enseignements tirer ?

Jean-luc Mélenchon, à la différence de Pierre Laurent, n’a clairement pas indiqué voté pour Hollande au second tour. Il a appelé à battre le Président sortant. Simple question de mots ? Pas seulement car désormais les décisions difficiles risquent de peser au sein du Front de gauche. Deux choix s’offrent à lui : rester hors du gouvernement et demeurer dans l’opposition stérile qui satisfera tous les électeurs de la gauche radicale qui ont déserté NPA et LO, orphelins d’Arlette et Olivier. Ou, au contraire, apporter sa pierre à l’édifice de la majorité en y perdant son âme mais en mobilisant les électeurs de gauche peu convaincus par la mollesse du candidat PS. De choix entre ces deux optiques, il ne pourra être question. Il s’agira de louvoyer entre les deux bords. Applaudir des deux mains les réformes qui seront justes tout en s’opposant avec acharnement aux autres devra être une ligne de conduite. Les législatives devront permettre la constitution d’un groupe Front de gauche à l’Assemblée nationale pour porter ces revendications. Nous verrons si les électeurs, une fois de plus, ne seront pas tentés par le vote utile.


Un nouveau positionnement ?

Le Front de gauche, en fait, a davantage siphonné les voix de la gauche extrême qu’il n’a acquis d’autres électorats. Il a surtout, dans une espèce d’arrogance qui s’est installée tout au long de la campagne, affiché un trop grand mépris auprès des « petites gens » votant Marine Le Pen. Elles le lui ont bien rendu. S’attaquer aux thèses du FN était sans doute un bon parti-pris. Le faire de cette façon s’est finalement révélé une erreur. Le Front de Gauche espèrera sans doute secrètement maintenant qu’Hollande échoue dans sa volonté de changement. Ce qui lui donnerait des arguments pour devenir l’alternative crédible à gauche ? Sans doute d’un point de vue théorique mais en pratique ? Car l’autre défi qui attend le Front de gauche désormais est programmatique. Son programme, en effet, manquait de cohérence budgétaire et idéologique. A trop vouloir être force de changement, on en devient caricatural et on s’éloigne d’une population qui, qu’on le veuille ou non, aime la stabilité bien qu’elle soit fascinée par la révolution.

S’il veut vraiment s’imposer dans le débat politique, et ne pas demeurer une force stérile, le Front de gauche devra désormais être plus réaliste. Il ne peut en effet lutter contre Marine Le Pen et son extrémisme. Autant désormais essayer de gratter sur le PS et de mener un combat plus proche des réalités. Oui à la VIème république mais sans en faire un mythe car cette notion est bien trop vague pour les Français qui ne peuvent y voir la solution à leurs problèmes quotidiens. Oui à une grande réforme fiscale beaucoup plus profonde que le coup médiatique de la tranche à 75% de Hollande mais sans en arriver à l’extrémité très « marchaisiste » du « je prends tout au-delà d’un certain seuil ». Oui à plus d’humanité et de solidarité internationale mais sans annoncer vouloir régulariser tous les sans-papiers, mesure irréaliste assurément. Oui à un grand service public (énergie notamment) mais sans favoriser pour autant une classe fonctionnaire souvent considérée comme privilégiée.

C’est à ce prix que le Front de Gauche pourra dessiner de nouveaux horizons. S’il n’entreprend pas une mue subtile mais néanmoins visible, il replongera dans les affres des petits partis et, au mieux, se contentera de porter la voix de quelques révolutionnaires, beaucoup trop peu nombreux dans une société où, malgré la crise, les habitants ont le sentiment d’avoir davantage à perdre qu’à gagner dans un processus révolutionnaire.




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