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samedi 12 février 2011

J’ai entendu… que les profs étaient encore dans la rue

Jeudi, il y a deux jours, nos chers enseignants avaient ressorti pancartes et banderoles afin de crier leur mécontentement. En cause, cette fois-ci, la suppression de 16 000 postes à venir dans l’Education nationale. Une nouvelle confirmée le soir-même par notre hyperprésident à l’occasion de son rendez-vous promotionnel devant les français de TF1. Force est de constater que le mouvement, qui a pourtant mobilisé, selon les syndicats, près du tiers des effectifs, aura fait chou blanc. Et il n’y a sans doute pas besoin d’être sorti de Saint-Cyr pour en connaître la raison : trop de grève tue la grève et les enseignants très coutumiers du fait semblent lasser les français avec leurs revendications et, par conséquent, les médias. Car si une grève de la SNCF permet toujours aux télévisions de trouver aisément une cohorte d’usagers en colère devant des quais vides, il demeure plus difficile de critiquer ouvertement les précepteurs de nos enfants. Audimat en berne se conjugue donc facilement avec visibilité réduite. Et puis, manque de chance, en face la concurrence s’avérait rude : le peuple égyptien, bien plus convaincant dans le rôle de l’opprimé, s’était imposé à la Une.

Mais revenons à nos profs dont les petits malheurs ne font commencer.
C’est à dessein que j’emploie le terme « petit » puisque, ne nous mentons pas, la plupart des ouvriers et employés du privé admettent de moins en moins, en ces périodes d’incertitude budgétaire et de chômage, que des fonctionnaires payés avec nos impôts et bénéficiant de la sécurité de l’emploi se battent pour sauvegarder leurs avantages acquis souvent considérés comme injustes. Je ne vous ferai pas ici la liste exhaustive de ces avantages, nous les connaissons et nous les envions souvent (prêts bancaires plus avantageux, système de retraite spécifique,…). Toujours est-il que la colère des profs, d’inaudible devient de plus en plus insupportable. Un sentiment renforcé par l’impression qu’ils ne défendent pas les valeurs de notre Education nationale (égalité d’accès, rôle d’ascenseur social,…) mais plutôt leurs intérêts corporatistes. La preuve : combien d’enseignants dans la rue lorsque les aides scolaires (les fameux contrats aidés) ont disparu des écoles ? Et combien quand le gouvernement s’est attaqué à leurs retraites ?

Et pourtant, l’Education nationale va mal, personne ne le niera et nous devrions tous nous battre pour défendre notre modèle français. Un modèle que les pouvoirs publics, de droite comme de gauche, égratignent chaque année davantage pour le faire évoluer vers les standards des autres pays industrialisés. Direction la Belgique par exemple où les profs sont des salariés de doit privé et sont licenciables à merci par leurs chefs d’établissement. Là-bas, pas de salaire en août, pas de concours de la fonction publique, pas de formation spécifique,… le métier ne fait pas rêver. La preuve, les étudiants français frontaliers ayant échoué en France y sont particulièrement prisés. Est-ce de cela que nous voulons ? Pour ma part non ! Et pourtant nous y allons tout droit. La réforme du CAPES est par exemple à mon sens un premier pas. Il faudra désormais, pour devenir enseignant, l’obtenir et réussir le Master. Je pense qu’à terme, quand l’opinion publique sera prête, le concours sera supprimé. Avant ce sera sans doute l’agrégation qui disparaîtra puisque cette réforme met sur un pied d’égalité les deux examens.
Mais revenons-en au motif de la manifestation : la suppression de 16000 postes. Les partisans de la réforme annoncent qu’il s’agit d’une mesure logique tenant compte de l’évolution démographique. Les autres crient au dépècement de l’éducation nationale qui ne pourra plus faire face aux exigences de formation des élèves alors que les conditions d’enseignement se sont dégradées. Et si le vrai problème était ailleurs ? Je pense pour ma part, en fait, qu’aucun des points de vue ne tient compte de la réalité de terrain et des enjeux qui pèsent sur ce sujet, pourtant primordial pour l’avenir de notre société. Chacun se renferme sur son opinion et le débat pourtant indispensable pour faire naître des solutions acceptées de tous ne peut ainsi pas se mettre en place.

Pourquoi ne pas essayer de se poser autour d’une table et réfléchir ensemble à une réforme systémique de l’Education Nationale (je n’emploierai pas le terme de Grenelle, galvaudé ces dernières années par le gouvernement, mais l’ambition y est). Et les thématiques à aborder ne manquent pas :
-    Comment lutter contre les différences à l’école ? Par le retour à l’uniforme ?
-    Comment favoriser la mixité sociale ? Par le retour à la carte scolaire ou la disparition de l’école privée ?
-    Comment faire pour que les jeunes profs, tout juste sortis de l’école, ne soient pas envoyés systématiquement en ZEP ? Par un système qui contraindrait les enseignants aguerris à enseigner, au milieu de leurs carrières dans ces établissements ?
-    Comment restaurer l’autorité des enseignants ? Est-il normal que les enfants, souvent défendus par leurs parents, se sentent rois dans les écoles, souvent sans sanction ?
-    Comment lutter contre les enseignants feignants qui débitent année après année les mêmes cours devenus obsolètes ?
- Comment assurer que les enseignants de demain soient en phase avec les besoins de leurs élèves ? Peut-être en recrutant des étudiants à la tête bien faite (pédagogues) plutôt qu'à la tête bien pleine (après tout, est-il nécessaire de savoir démontrer des théorèmes compliqués pour finalement enseigner des règles de base de géométrie).
- Comment rééquilibrer le travail des enseignants ? Sûrement en modulant le nombre d'heures de cours. il est évident en effet qu'un prof de sport a beaucoup moins de préparation qu'un professeur de français.
-    Comment empêcher qu’aujourd’hui des enfants puissent arriver au collège sans savoir lire et écrire ? Par la réhabilitation d’un examen en fin d’école primaire ?
-    Comment réhabiliter les universités qui voient sortir chaque année des cohortes d’étudiants peu employables alors que les grandes écoles d’ingénieurs ou de commerce forment nos élites ?

Et tant d’autres questions qui méritent d’être approfondies…. Et vraiment débattues ! Alors mesdames et messieurs les profs, cessez de vous contenter de crier au scandale (après tout, au regard du nombre d’étudiants postulant au concours chaque année, le métier doit rester attractif) et proposez. Acceptez des contraintes qui tireraient le système vers le haut, même si cela vous coûte. Car si vous ne le faites pas, soyez sûrs que l’Etat ne vous épargnera pas. Mais peut-être, d’ici là, serez-vous en retraite et ce problème ne vous concernera plus. Ce sera alors aux jeunes enseignants (et aux élèves) de supporter le poids de votre égoïsme. Quel gâchis mais n’est-ce pas là le symptôme principal de l’individualisme qui mine nos sociétés modernes ….

Rédigé par Fred H.

3 commentaires:

  1. Des idées et des questions intéressantes... mais qui démarrent tout de même sur une idée fausse : ce ne sont pas de (soi-disant !) privilèges que défendent les enseignants en ce moment : moins d'enseignants, cela signifie plus d'élèves par classe (d'autant que la population scolaire augmente - sources officielles), donc moins de temps pour s'occuper des élèves en difficulté, moins d'attention au gamin qui flanche à un moment donné, moins de possibilités de suivi, de personnalisation de l'enseignement... Autrement dit, un abandon pur et simple de tout ce qui a pu être tenté pour aider les plus défavorisés...

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  2. Merci pour votre avis. Je me suis sans doute mal exprimé. Ce que je voulais dire est que les revendications des enseignants passent souvent, à tort parfois, pour être corporatistes et lorsqu'ils défendent les intérêts du service public, plus personne ne les entend. Un peu comme les salariés de la SNCF qui donnent l'impression de défendre leurs privilèges même lorsqu'ils se battent pour la défense du service public (abandon progressif de petites lignes de train). Il est par ailleurs certain que les conditions d'exercice du métier d'enseignant sont devenues insupportables. Mais la question du nombre de profs n'est qu'un symptôme. Même avec 20 élèves par classe, la problématique resterait entière si on ne s'attaque pas aux vrais problèmes de fond : la perte du rôle d'ascensceur social de l'école, la perre d'autorité des enseignants face aux élèves-rois, le manque d'encadrement et le non-suivi des élèves dans leur scolarité (comment accepter, je le répète, que des élèves puissent arriver au collège unique sans savoir lire et écrire)....

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  3. Petite info enrichissante :

    Comment le Vice-recteur de Nouvelle Calédonie améliore les résultats du brevet (record historique en 2010)? Réponse : En supprimant les profs qui font leur travail. C'est ce qui m'est arrivé l'année dernière, APRÈS SEULEMENT SIX SEMAINES DE COURS, j'ai même été jugé coupable par le tribunal d'appliquer des notes trop basses! C'est à peine croyable mais pourtant tous les documents officiels sont sur mon blog http://profaupiquet.unblog.fr et cette fois-ci l'Éducation Nationale n'a même pas cherché à faire semblant.

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